dimanche 28 avril 2024 | 21H27
Etat de Grâce - Coups de coeur adultes
  • Le : mercredi, 06 mars 2024

Un ange passe ou vivre-lire en état de grâce...  

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Dans L'Homme-joie, composé de quinze récits, Christian Bobin raconte la soif, un jour de grande chaleur, pendant une promenade harassante en colonie de vacances, ce “bagne joyeux”. Une fontaine apparaît soudain et l'enfant se jette sous la gueule du lion d'où jaillit l'eau fraîche. “L'eau fila dans mon corps jusqu'au coeur, où elle éteignit le feu de l'abandon qui le ravageait”, écrit-il. Ainsi va-t-il, droit à l'essentiel, par le chemin le plus simple qui mène à l'âme.
Voici un livre superbe, qui pourrait servir d'antidote à la morosité ambiante. Christian Bobin est un écrivain qu'aucune étiquette ne peut enfermer. Comment voulez-vous rendre compte des livres d'un homme qui, dès l'exergue, propose ceci : "Ecrire, c'est dessiner une porte sur un mur infranchissable, et puis l'ouvrir" ? Il y a une magie Bobin. Elle est faite de détails infimes, de mots choisis avec extrême attention, de sourires et de rires malgré la noirceur, malgré la mort...


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Selon la juste vision du Tao, le Vide médian intervient chaque fois que le yin et le yang sont en présence. Drainant la meilleure part des deux, il est ce troisième souffle qui élève l'un et l'autre vers une transformation créatrice, et leur permet de se dépasser. Tant il est vrai que l'accomplissement de chacun n'est point en soi, mais en avant de soi. Ces cent deux poèmes de François Cheng sont autant d'invitations à scruter les innombrables entre qui ont lieu à tout instant sous nos yeux. Ils nous éveillent à la réalité du Vide médian qui, fait d'inattendus et d'inespérés, donc toujours neuf, transfigure les vivants.
Ce recueil de 102 poèmes reflète la vision du monde et l'expérience de F. Cheng.




Tout quitter du jour au lendemain pour aller chercher, seule, au fin fond de la Chine communiste, les secrets oubliés de l’art antique chinois, était-ce bien raisonnable ? Fabienne Verdier ne s’est pas posé la question : en ce début des années 80, la jeune et brillante étudiante des Beaux-Arts est comme aimantée par le désir d’apprendre cet art pictural et calligraphique dévasté par la Révolution culturelle. Et lorsque, étrangère et perdue dans la province du Sichuan, elle se retrouve dans une école artistique régie par le Parti, elle est déterminée à affronter tous les obstacles : la langue et la méfiance des Chinois, mais aussi l’insupportable promiscuité, la misère et la saleté ambiantes, la maladie et le système inquisitorial de l’administration… Dans un oubli total de l’Occident, elle devient l’élève de très grands artistes méprisés et marginalisés qui l’initient aux secrets et aux codes d’un enseigne- ment millénaire.
De cette expérience unique sont nés un vrai récit d’aventures et une œuvre personnelle fascinante, qui marie l’inspiration orientale à l’art contemporain, et dont témoigne son extraordinaire livre d’art L’unique trait de pinceau (Albin Michel).


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Durant les dix ans qu'elle passa en Chine, Fabienne Verdier fut formée à l'art du trait - mais aussi à l'ascèse et à la méditation taoïstes - par les plus grands maîtres calligraphes. Cette transmission au plus haut niveau de la tradition picturale chinoise à une Occidentale - et qui plus est, à une femme - constitue une expérience unique : Fabienne Verdier est tout à la fois le témoin vivant d'une discipline orientale millénaire, et une artiste contemporaine occidentale au plein sens du terme. Elle maîtrise non seulement les techniques de la peinture et de la calligraphie chinoises, mais aussi l'esprit et la philosophie qui les sous-tendent, au point qu'elle peut se permettre d'en bouleverser les règles par des apports totalement novateurs.
Les créations qui composent ce livre sont des interprétations de poèmes anciens et d'idéogrammes exprimant des concepts philosophiques, ou des voyages dans l'univers minéral et végétal. Les textes qui accompagnent les couvres, et dont ils sont la matrice, expriment une profonde communion avec la nature. L'art calligraphique se fonde en effet sur une adéquation parfaite entre l'âme de l'artiste et le " principe qui régit toute chose". II exige une implication totale du corps et de l'esprit. Après des heures de silence et de concentration, toute la difficulté réside dans le fait qu'une fois le geste amorcé, le sort du tableau est joué sans qu'il soit possible de revenir en arrière : "La règle se fonde sur l'Unique Trait de pinceau, écrivait au XVllle siècle Shitao, l'un des plus grands peintres chinois. L'Unique Trait de Pinceau est l'origine de toutes choses, la racine de tous les phénomènes."
Les préfaces passionnantes de deux spécialistes de la pensée chinoise, Cyrille J.-D. Javary et Jacques Dars, mettent en évidence la dimension spirituelle de cet art, et la façon très singulière par laquelle Fabienne Verdier excelle à la transmettre. L'Unique Trait de pinceau est avant tout une invitation à retrouver une unité primordiale, et à porter un autre regard sur le monde sensible.



Le 8 juillet 2017, le Pourquoi Pas ?, vaisseau de la flotte océanographique française, appareille pour une mission scientifique de trois semaines au beau milieu de l’océan Atlantique. Les buts de cette expédition : observer un champ hydrothermal situé à 1 700 mètres dans les profondeurs sous-marines et étudier sa faune extraordinaire. Parmi les soixante-quinze marins et scientifiques embarqués, s’est glissé David Wahl, investi de sa propre mission. Trois semaines durant, l’écrivain rédige son journal de bord.
Ce rare témoignage – où se rencontrent l’émergé et le submergé mais aussi la poésie et la science – rend compte de l’existence d’un univers des grandes profondeurs encore méconnu, mystérieux, hostile et qui ne cesse d’attiser la curiosité. Avant même d’être totalement explorés, les abysses sont menacés par le risque d’une exploitation humaine. Autant qu’une ode à la beauté sous-marine, c’est un appel à la raison et à la protection de ces écosystèmes que livre David Wahl.


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L’été venait de commencer quand je partis chercher les fées sur la côte atlantique. Je ne crois pas à leur existence. Aucune fille-libellule ne volette en tutu au-dessus des fontaines. C’est dommage : les yeux de l’homme moderne ne captent plus de fantasmagories. Au XIIe siècle, le moindre pâtre cheminait au milieu des fantômes. On vivait dans les visions. Un Belge pâle (et très oublié), Maeterlinck, avait dit : « C’est bien curieux les hommes… Depuis la mort des fées, ils n’y voient plus du tout et ne s’en doutent point. »
Le mot fée signifie autre chose. C’est une qualité du réel révélée par une disposition du regard. Il y a une façon d’attraper le monde et d’y déceler le miracle de l’immémorial et de la perfection. Le reflet revenu du soleil sur la mer, le froissement du vent dans les feuilles d’un hêtre, le sang sur la neige et la rosée perlant sur une fourrure de mustélidé : là sont les fées.
Elles apparaissent parce qu’on regarde la nature avec déférence. Soudain, un signal. La beauté d’une forme éclate. Je donne le nom de fée à ce jaillissement.
Les promontoires de la Galice, de la Bretagne, de la Cornouailles, du pays de Galles, de l’île de Man, de l’Irlande et de l’Écosse dessinaient un arc. Par voie de mer j’allais relier les miettes de ce déchiquètement. En équilibre sur cette courbe, on était certain de capter le surgissement du merveilleux.
Puisque la nuit était tombée sur ce monde de machines et de banquiers, je me donnais trois mois pour essayer d’y voir. Je partais. Avec les fées.